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Rencontres à Capri

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Patrimoines et développement.

Un article de Brigitte Marin.

 

Le 22 octobre, grâce à la Commune de Capri, la splendide Villa Lysis, édifiée à partir de 1904 par Jacques d’Adelsward Fersen, nous a ouvert ses portes. Son premier propriétaire en avait fait un cénacle d’écrivains et d’artistes, emblématique de ces demeures somptueuses et de la brillante culture internationale dont Capri fut la terre d’accueil entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle (voir le billet « Des îles dans l’histoire (4). Capri »).
Nous nous sommes entretenues avec Fabio De Gregorio, Conseiller délégué à l’environnement de la Municipalité de Capri, Lucia Vitale, naturaliste, Présidente de la Délégation de l’Association nationale « Marevivo » à Capri, et Melania Esposito de l’Association culturelle APEIRON pour la protection et la valorisation du patrimoine historique, artistique et paysager de cette île. Tous trois ont insisté sur les richesses du patrimoine naturel et culturel insulaire, sur lesquelles peuvent se fonder des politiques de développement renouvelées, alors que l’île est soumise aujourd’hui à une exploitation touristique massive, parfois difficile à gérer. La population, de 8000 habitants hors saison, monte à 25 000 en été, mais surtout les débarquements des touristes à la journée sont considérables.

Comme Procida, Capri se trouve administrée depuis quelques mois seulement par une nouvelle équipe municipale, qui a placé au centre de ses préoccupations la protection du patrimoine et de l’environnement. Pour Fabio De Gregorio, et le maire, Gianni De Martino, un des objectifs prioritaires est la réalisation de l’aire marine protégée autour de l’île, une aire autonome du parc de la Punta Campanella, sur le continent. Des études ont été réalisées dans ce sens depuis longtemps déjà, mettant en évidence des richesses sous-marines exceptionnelles. Dans l’attente d’un décret ministériel qui pourrait être long à venir, des mesures réglementaires intermédiaires sont envisagées : réduire la vitesse des embarcations qui fréquentent ces eaux en grand nombre, sensibiliser les visiteurs temporaires, les plaisanciers, trop souvent encore peu respectueux des lieux. Ainsi, les grottes, objets d’une exploitation touristique intense, avec des embarcations chargées de centaines de personnes, verront leur accès limité dès la saison prochaine. Des contrôles et des opérations de sensibilisation seront conduits par des bénévoles, « vigilanti del mare », pour signaler les abus dans l’attente de l’affirmation des compétences du parc souhaité par les deux communes de l’île, Capri et Anacapri.

Lucia Vitale insiste également sur le problème majeur que représente, pour la protection de la côte et de la mer, le trafic maritime intense autour de l’île, la vitesse excessive, l’abondance des navires de croisière depuis lesquels sont organisées les visites de l’île. Par ailleurs, si l’activité de pêche est devenue résiduelle à Capri, les pêcheurs du littoral de Sorrente et Salerne fréquentent les eaux de l’île. Autant de pressions sur le milieu que les gardes côtiers ont du mal à contrôler tant ils sont occupés à la gestion du port et aux mouvements constants qui l’animent. Cependant, Lucia note ces dernières années, une nouvelle sensibilité au milieu marin de la part des habitants. Les inscrits à la Lega navale, pour des cours de voile, sont plus nombreux qu’autrefois ; les usages de la mer se font plus respectueux, et beaucoup de résidents voudraient désormais voir se développer un tourisme différent, hivernal, reposant sur les promenades naturalistes et le patrimoine culturel insulaires. Pour cela, il faudrait développer une offre de services différente.

Depuis vingt ans, Lucia conduit des programmes d’éducation à l’environnement dans diverses îles (Giglio, Ischia, Ponza, Ventotene, Lampedusa…). Les élèves des écoles de Capri y participent de façon continue pour la 7e année : leur connaissance du territoire s’approfondit, et les jeunes sont plus actifs dans la tutelle de la mer et des terres. C’est aussi ce dont témoigne la récente association APEIRON, que Melania nous présente avec enthousiasme et conviction. En septembre 2014, 14 jeunes étudiants de l’île, en archéologie, histoire de l’art, philosophie, anthropologie, architecture, langues et économie, poussés par leur attachement à cet espace, se sont réunis pour faire connaître « la véritable Capri », et proposer un regard qui ne s’arrête pas aux lieux-communs du tourisme de masse – la Piazzetta, les Faraglioni, la Grotta azzurra –, mais fasse plus largement connaître ses arts, sa culture, ses traditions, ses riches demeures et ses promenades. Melania s’occupe maintenant de l’accueil des publics à la Villa Lysis, et une autre association de bénévoles, « Capri è anche mia », a remis en état le jardin. Des activités qui, loin d’être animées d’une nostalgie pour le passé, cherchent à faire du patrimoine et de la connaissance des singularités de l’île un socle sur lequel construire une politique de développement attentive aux valeurs comme aux fragilités d’un environnement exceptionnel.

Nous remercions la Città di Capri de son accueil.

 

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