Mythes dans les champs Phlégréens

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Les champs Phlégréens : une terre ardente, une terre de mythes.

Article de Claude Pouzadoux (Centre Jean Bérard).

 

Le paysage qu’on voit défiler du bateau au cours de la navigation dans le golfe de Pouzzoles, puis dans celui de Naples, est aussi un voyage dans le temps. Les curiosités des lieux n’avaient pas attiré que les voyageurs du Grand Tour. Dès l’Antiquité gréco-romaine poètes, géographes et historiens ont raconté l’étape qu’effectuèrent des héros voyageurs qui arrivèrent dans les champs Phlégréens aussi bien par la mer que par la terre et par les airs.
Avant qu’Ulysse et Énée ne débarquent sur ses côtes, le littoral des champs Phlégréens a accueilli Dédale qui, selon Virgile (VI, 14-17), se posa sur l’acropole de Cumes. Après s’être enfui du labyrinthe de Crète, il y dédia ses ailes à Apollon et lui consacra un temple.
C’est par terre en revanche qu’Héraclès serait passé à Bacoli, sur la route du retour vers la Grèce avec les bœufs qu’il avait pris à Géryon, un géant à trois têtes, qui vivait sur l’île d’Érithye, au-delà de l’Océan. D’après Servius, le commentateur de l’Énéide (VI, 6, 107 et 7, 662), la ville antique devait son nom de Bauli, à la déformation du terme boaulia, les étables construites par le héros pour abriter sa prise, dites aussi Herculeos Baulos par Silius Italicus (12, 156).
Les caps et les anses qu’on aperçoit du bateau portent aussi les noms des compagnons de ces héros voyageurs. Dans sa description de l’Italie, le géographe Strabon explique que le nom de Baia trouve son origine dans celui de Baio, le pilote d’Ulysse, qui trouva la mort à cet endroit durant la navigation du héros (V, 245) ; de même, le cap Misène porte le nom d’un compagnon d’Énée mort pendant la traversée (Én., VI, 107).

À l’origine des mythes qui marquent de nombreux paysages de la Méditerranée, plusieurs de ceux qui peuplent la région des champs Phlégréens sont aussi liés au besoin d’expliquer les particularités d’une nature mystérieuse et inquiétante. Les propriétés volcaniques du sous-sol, les émanations sulfureuses de la Solfatara, ainsi que les mouvements de la terre ont fourni les éléments non seulement d’un paysage infernal, mais aussi du décor de la gigantomachie.
Les eaux du lac d’Averne correspondraient à l’entrée des Enfers où Ulysse (Od., XI, 84), puis Énée (Én., XI) se rendent pour rencontrer les âmes des morts, tandis que les cratères et les volcans renfermeraient les géants vaincus par les dieux olympiens. La possibilité d’établir une connexion entre le mythe et cette région était due, selon le géographe Strabon (V, 4, 4 et 6), à la fertilité de la terre et aux émissions de feu et d’eau dues aux blessures faites par la foudre de Zeus aux Géants qui tombèrent sur ce champ de bataille.
La récupération locale de la Gigantomachie se traduit par le nom Phlégra ou Phlégraion donné à la plaine de Cumes en lien soit avec la ville de Phlégra en Chalcidique où une tradition plus ancienne situait le déroulement des combats, soit avec le verbe grec phlégô, brûler. Elle se traduit aussi par la localisation de tombeaux de géants dans le golfe de Pouzzoles et de Naples, tels celui de Mimas sous l’île de Procida (Silius Italicus XII, 147), de Typhon sous le mont Epomeo à Ischia ou encore d’Encélade sous le Vésuve (Philost. Her. II, 140, 10).

 

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