Un article de Brigitte Marin.
Le 16 octobre, en compagnie de Claude Pouzadoux, directrice du Centre Jean Bérard de Naples, nous sommes parties de Procida pour rejoindre les Champs Phlégréens dont nous avons longé la côte, dans le golfe de Pozzuoli (l’antique Puteoli), pour lire dans ce paysage volcanique mythes et légendes, traces d’occupation ancienne et usages actuels du littoral.
La zone, avec une quarantaine de cratères et ses lacs volcaniques, a été densément occupée sous l’Antiquité. Les Grecs, qui abordèrent d’abord à Ischia pour y installer un comptoir commercial, vinrent ensuite s’établir à Cumes, pour y fonder une véritable colonie. Mais c’est avec les Romains que la région se développe considérablement, et connaît une occupation humaine inégalée par la suite, liée à trois fonctions : militaire, avec le port de Misène ; commerciale, puisque Pouzzoles était le grand port de la capitale, Rome, et permettait son ravitaillement ; récréative, enfin, avec les immenses villas de grands personnages et des empereurs, comme celles de Marius, Pompée, César ou Lucullus… Le paysage de Baia se caractérisait par plusieurs constructions de ce type, dont on peut imaginer la situation et l’ampleur en observant aujourd’hui le château aragonais qui, au XVe siècle, s’est installé sur les ruines d’une de ces fastueuses résidences. Les eaux poissonneuses, la fertilité de la terre volcanique, les routes commerciales favorisèrent ces établissements, dans des lieux où les Anciens situaient un ensemble de mythes et de fables liés à ces éléments naturels exceptionnels. Un parc archéologique sous-marin, dans lequel Solène et Amélie font une plongée, conserve les restes de cette occupation antique sur des rives submergées par la mer à cause de l’élévation des terres, affectée par le bradyséisme (ce lent mouvement de remontée et de baisse du niveau de la côte, d’origine volcanique).
Ces lieux connurent une notoriété exceptionnelle, pour leurs curiosités naturelles et les vestiges de l’Antiquité, jusqu’à ce que l’activité du Vésuve, au XVIIIe siècle, et la découverte des villes ensevelies par l’éruption de 79 ap. J.-C., Pompéi et Herculanum, attirent les voyageurs sur la côte orientale. On a désormais oublié cette destination majeure du Voyage d’Italie, lorsque les visiteurs, nourris de littérature classique, venaient en contempler les sources, face à des ruines imposantes, comme celles du gigantesque complexe thermal que nous fait visiter Pierfrancesco Talamo, responsable du parc archéologique des thermes (Surintendance archéologique de la Campanie).
Nous pouvons reprendre à notre compte les mots d’un voyageur de la fin du XVIIIe siècle, F.J.L. Meyer : « Ce sont ces vestiges apparents de la haute antiquité qui entraînent le spectateur dans une illusion féconde, où les scènes du passé prestigieux revivent devant lui. Ce sont eux qui, après tant de siècles évanouis, retracent de façon suggestive la grandeur inégalable de ce peuple. Alors, saisi d’étonnement et de respect, on voit l’ombre sublime de Rome surgir de son tombeau ». Il notait aussi combien l’occupation de cette zone avait changé, le luxe laissant place, au fil des siècles, à l’exploitation modeste d’un littoral désolé : « une misérable population de pêcheurs habite de petites cabanes de bois sur les lieux même où s’élevait cette Baia splendide, avec la longue suite de ses palais qui lui donnait l’aspect d’une ville de marbre. Sur ces côtes où les Romains s’enivraient de toutes les voluptés, les habitants gagnent à peine leur subsistance par la pêche ou la vente de petits objets antiques, pierre, monnaies, lampes, idoles et autres choses semblables qu’ils trouvent en mer ou quand ils bêchent leurs vignes. L’air même de Baia, dont on vantait jadis la salubrité, n’est plus ce qu’il était. Les eaux stagnantes des nombreux marécages répandent des vapeurs malsaines, le lin mis à rouir dans les lacs, pendant l’été, dégage une odeur insupportable ». La nouvelle urbanisation de la zone est du reste récente, à partir des années 1930, et surtout après-guerre.
Nous quittons ensuite ces rivages pour nous acheminer vers le port de Naples. Le cône du Monte Nuovo qui s’éleva en quelques jours, en septembre 1538, nous rappelle la puissance de la nature, nous croisons l’îlot de Nisida et sa prison, les installations de l’ancienne aciérie de Bagnoli, une zone à bonifier pour de nouveaux usages. Nous remarquons, dans cet espace liquide, la grande quantité de déchets en surface ; les rejets de polluants variés à la mer sont ici un problème récurrent. Puis nous entrons dans le golfe de Naples, et observons les falaises de tuf jaune du Pausilippe, si caractéristiques. Nous croisons le parc de la Gaiola, les collines densément urbanisées de la métropole et, enfin, son port d’où sortent et entrent les bâtiments d’un intense trafic de voyageurs.
Un documentaire vidéo sera ultérieurement mis en ligne pour illustrer les singularités naturelles et humaines de ce trait de côte.
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